Management
Dossier
Directeur Achats : Une étape clef dans une carrière
Quelle voie pour devenir directeur achats ?
Le manager de transition, un électrochoc aux Achats
Témoignages
Nordine Zinbi, Manager de transition achats
« Nombre d’entreprises se restructurent et revoient la fonction achat dans sa globalité »
Quelle voie pour devenir directeur achats ?

Le poste de directeur des achats présente de nombreux atouts. Mais il demande aussi un investissement personnel ainsi que des compétences et des qualités particulières. Comme pour tout poste à haute responsabilité, il y a souvent beaucoup de prétendants mais peu d’élus. Nous avons interrogé quelques directeurs achats pour qu’ils retracent leur parcours et nous dévoilent les facteurs qui ont, selon eux, permis de faire la différence.
C’est le cas de Jean-Marc Espagne qui a pris les fonctions de directeur des achats de Sanef en mars 2019 (montant des achats : 400 millions d’euros, effectif de la direction des achats : 35 personnes). « Devenir directeur des achats était un objectif de longue date pour moi. Mais il est important de ne pas rester focalisé sur un seul schéma de carrière et d’envisager d’autres hypothèses », nuance-t-il (voir son Profil dans la LDA n°285).
Une opportunité pas toujours programmée
De même, Hugues de Rouville a accepté de prendre la direction des achats chez Poclain (chiffre d’affaires : 375 millions d’euros, montant des achats : 55 % des ventes, effectif achat : 54 personnes) en juillet 2016, même si ce poste n’était pas forcément dans ses ambitions de carrière. « Aucun parcours n’est écrit par avance, il est important de savoir saisir les opportunités au bon moment », indique-t-il (voir son Profil dans la LDA n°253).
De son côté, Pierre Blouet directeur des achats, approvisionnement et logistique de GRT Gaz depuis septembre 2018 (montant des achats : 900 millions d’euros, effectif : 140 personnes) reconnaît : « cette position ne faisait pas forcément partie des opportunités que j’examinais à l’époque mais j’ai été rapidement séduit ». Il confie tout de même avoir eu « une petite crainte sur la compétence achat. » « Je n’avais pas de formation initiale dans les achats ni occupé de poste de directeur des achats précédemment », rappelle-t-il (voir son Profil dans la LDA n°276). De fait, il a suivi une formation continue durant six mois à l’École Centrale Paris pour parfaire ses connaissances dans le domaine.
L’atout des diplômes achats
À l’instar de Pierre Blouet, bon nombre des personnes interrogées sont passées par la case formation pour accélérer leur prise de responsabilités dans les achats. Titulaire d’un DESS en commerce international, Judy Wallace a par exemple complété sa formation avec un MAI obtenu à Kedge Business School en 2008 (ex-Bordeaux Ecole de Management). Elle venait, à l’époque, de prendre la responsabilité du service achat et logistique de CLS (Collecte Localisation Satellites), une filiale du Centre National d’Études Spatiales (Cnes). « Cette formation m’a permis de valider des acquis et de m’apporter une certaine légitimité sur ce poste puisque j’avais la charge de créer et mettre en place ce service », souligne-t-elle. Pour cette dernière, le diplôme reste un critère important pour accéder à un poste à responsabilité dans les Achats en France. « Mais dans d’autres pays ce n’est pas forcément le cas », précise-t-elle.De même, Florent Muel, directeur des achats de Viparis (effectif achat : 4 personnes) a suivi une formation en continue au Cesa Achats d’HEC en 2004 lorsqu’il est devenu responsable des achats d’Inapa. « Je travaillai déjà depuis quelques années dans les Achats mais cette formation m’a permis de me recentrer sur les bonnes pratiques et les process, ce qui m’a été très bénéfique par la suite », note-t-il. Avant d’ajouter : « Aujourd’hui, certaines formations sont assez importantes pour accéder à des postes à responsabilité ».
Un avis partagé par Julien Jarrier, directeur des achats de Mérieux NutriSciences (montant des achats : 250 millions d’euros, effectif achats : 17 collaborateurs dans le monde dont quatre au siège à Lyon), une filiale de l’Institut Mérieux dédiée aux analyses alimentaires. « Quelques groupes ont encore des politiques RH qui imposent un certain type de diplôme pour accéder à un poste à responsabilité dans les Achats », observe-t-il. Si Julien Jarrier a acquis des compétences achats sur le terrain lors de ses précédents postes d’acheteurs chez Doosan Montabert et Bonna Sabla, il a ressenti le besoin de valider et compléter ses acquis lorsqu’il a rejoint Mérieux NutriScicences en qualité de responsable achats EMEA. Il a donc obtenu, en 2014, une certification de responsable achat à l’EIPM (European Institute of Purchasing Management).
Miser sur les expériences passées
Si le diplôme confère un avantage certain, les expériences professionnelles constituent, elles, un élément clé pour accéder à un poste de directeur achats. Judy Wallace a ainsi pu miser sur ses dix-huit années passées au sein des achats chez CLS et Stelia Aerospace. « Cela m’a permis d’avoir un profil orienté à la fois vers l’industrie spatiale et la production de masse », explique-t-elle. Elles lui ont également offert l’opportunité d’appréhender des situations de monosourcing. Ce qui représente un atout dans le cadre de ses fonctions actuelles puisque Airbus OneWeb Satellites gère un grand nombre de fournisseurs en mono-source. « Il s’agit d’une gestion particulière, il est important de se placer dans une logique de partenariat et de business développement avec nos fournisseurs », précise Judy Wallace.Ses premières expériences en tant que commerciale l’ont également aidée à acquérir des compétences pour gérer ce type de situations. « Lorsque l’on construit des business case côté ventes, on comprend l’importance de développer des partenariats sur le long terme, on développe un sens de l’empathie, ce qui est également très important pour gérer un panel en monosourcing », raconte-t-elle.
Pour Jean-Marc Espagne, les huit années passées aux Achats du constructeur automobile PSA ont permis de faire la différence pour obtenir son poste de directeur des achats chez Sanef. « PSA est un groupe mondialement connu qui possède une direction des achats particulièrement mature, ce qui est très formateur. Cette expérience m’a permis d’aborder différents types d’achats comme l’achat en mode projet, le catégorie management, etc. », précise-t-il.
De son côté, Florent Muel estime que ses quatre années passées chez Verisure, où il a notamment été amené à créer un département achats indirects pour la France, ont pesé dans la balance pour prendre les rênes des achats chez Viparis. « Viparis a amorcé une transformation de son organisation achat il y a deux ans, donc cette précédente expérience de création d’une organisation achat a clairement joué en ma faveur », constate-t-il.
Une connaissance fine du groupe
D’autres ont tiré leur épingle du jeu grâce à une carrière conséquente et diversifiée au sein de leur société. En effet, un directeur des achats doit avoir une bonne connaissance du groupe, de ses différentes filiales et des fournisseurs. « Ma connaissance fine du groupe, acquise grâce à mes huit années d’expérience chez GRT Gaz en tant que directeur régional et directeur de projet d’entreprise, a clairement joué en ma faveur. J’ai notamment eu l’opportunité de déployer un programme de lean management entre 2009 et 2011 et de mettre en place un projet stratégique d’entreprise entre 2016 et 2017, ce qui m’a permis d’avoir une bonne vision des enjeux et de la stratégie du groupe », souligne Pierre Blouet.Mais, comme pour de nombreux confrères un élément déterminant dans le choix de lui confier la direction des achats est à chercher dans sa connaissance du groupe et ses activités. « Mes compétences techniques ont également constitué un critère important car nous achetons beaucoup de matériel technique chez GRT Gaz, il est important de bien comprendre ce que l’on achète », rappelle Pierre Blouet.
De même, Hugues de Rouville a pris la tête des achats de Poclain après six années passées dans les activités de production et les opérations du groupe. « Dans le secteur industriel, un passage dans le métier de production représente un atout pour accéder à un poste de direction dans les Achats car la fonction achat est très imbriquée dans le manufacturing et le design », affirme-t-il.
Une ouverture sur l’international
Hugues de Rouville a également pu compter sur son expérience internationale (il a notamment été vice-président des Opérations de Poclain en Amérique du Nord de 2012 à 2016). « Cela a joué en ma faveur car notre groupe dispose d’usines en Chine, en Inde, aux États-Unis et en Europe », assure-t-il.Même schéma pour Judy Wallace. D’origine britannique, la directrice des achats d’Airbus OneWeb Satellites maîtrise plusieurs langues étrangères et a vécu dans différents pays en Europe et au Japon. « Cette dimension internationale et multiculturelle a clairement permis de faire la différence pour obtenir ce poste car il s’agit d’une fonction très internationale », indique-t-elle.
Manier l’art du management
Un directeur des achats a bien souvent sous sa houlette des dizaines, voire des centaines d’acheteurs. Pouvoir justifier d’un bagage conséquent dans le domaine du management est donc primordial. De fait, l’ensemble des personnes interrogées avaient déjà managé des équipes avant de se voir confier une direction des achats. « La dimension managériale était un critère important car la direction des achats, approvisionnements et logistique de GRT Gaz recense 140 personnes. Le fait de justifier de plus de dix ans d’expériences managériales différentes m’a clairement aidé à obtenir ce poste », illustre Pierre Blouet.Dans les groupes internationaux, la dimension multiculturelle représente, là encore, un atout puisque les directeurs achats sont amenés à gérer des équipes aux quatre coins du globe. « J’ai des équipes en Amérique latine, en Chine, en Australie, aux États-Unis et en Europe. Il est donc important de s’adapter à la culture et aux habitudes de chacune d’entre elles », commente par exemple Julien Jarrier.
Des soft skills essentielles
Les qualités personnelles, les fameuses « soft skills », sont également très importantes pour accéder à un tel niveau de responsabilité dans les Achats. « En tant que directeur des achats, il est essentiel d’avoir une bonne agilité d’esprit, d’être capable de s’adapter et de se renouveler. Cela implique aussi une bonne dose d’humilité et de modestie pour être capable d’accepter la critique et les échecs et d’en tirer les bonnes conclusions », estime Judy Wallace. Des propos corroborés par Hugues de Rouville : « La confiance en soi et le leadership sont des qualités indispensables mais il est également important de savoir se remettre en question ».Le directeur des achats de Poclain ajoute à cela un savoir-faire relationnel : « Un directeur des achats doit avoir le sens de l’empathie pour aussi bien gérer ses équipes que les clients internes et les fournisseurs. Il doit également posséder une bonne ouverture d’esprit ». De son côté, Jean-Marc Espagne déclare : « lorsque j’ai pris le poste de directeur des achats de Sanef, un des objectifs était d’opérer une transformation des Achats et de rendre le métier plus attractif, notamment auprès des opérationnels. Cela demande un certain nombre de qualités personnelles telles que l’écoute, la force de persuasion, une capacité à négocier mais également de la fermeté ». « Un directeur des achats doit avoir un esprit entrepreneurial car il doit sans cesse chercher de nouvelles idées, convaincre et monter des projets pour améliorer la performance de l’entreprise. Il est aussi important d’être rigoureux, curieux et de rester proche du terrain pour travailler en équipe », détaille de son côté Julien Jarrier.
Soigner son réseau
Par ailleurs, les directeurs achats interrogés estiment que les relations représentent un levier important pour accéder à un poste à responsabilité dans les Achats. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs fait jouer leur réseau pour évoluer dans leur parcours professionnel. S’il a été recruté au poste de directeur des achats de Sanef par un cabinet de recrutement, Jean-Marc Espagne a par exemple obtenu ses précédents postes de responsables achats chez Itron et Parrot-Faurecia grâce à des relations. « Il est important d’entretenir son réseau et d’échanger régulièrement avec ses pairs sur différentes problématiques achats », indique-t-il.« Il s’agit d’un marché gris donc il est essentiel de soigner son réseau et ses relations quand on souhaite accéder à un poste de directeur des achats », confirme pour sa part Florent Muel. Un avis partagé par Judy Wallace : « Le réseau et les relations sont importants car lorsqu’un poste de directeur des achats s’ouvre, cela se fait souvent en sous-marin et les offres ne sont pas tout le temps visibles », constate-t-elle.
Un plafond de verre
La diversité des parcours professionnels des personnes interrogées l’atteste, il n’existe pas une voie royale pour accéder à un poste de directeur des achats. Les critères de recrutement divergent en fonction de la taille du groupe, de sa politique du recrutement, du secteur et de la maturité du service achats. Pour autant, certains profils d’acheteurs peuvent se heurter à un plafond de verre. « Les profils très spécialisés dans un domaine pourront avoir plus de mal à accéder à un poste de directeur des achats car les recruteurs ne cherchent pas forcément des experts mais des profils assez complets et multifacettes », observe ainsi Judy Wallace.Pour la directrice des achats d’Airbus One Web Satellites, un acheteur qui veut prendre des responsabilités doit avoir non seulement un sens du business mais également « une curiosité intellectuelle et une volonté de se déplacer chez les fournisseurs pour comprendre leurs enjeux, leurs produits et leurs procédés de fabrication ». « S’il se contente de bien gérer ses contrats sans forcément se déplacer, il sera vite bloqué dans son évolution professionnelle », affirme-t-elle.
Des propos corroborés par Hugues de Rouville : « Un acheteur verra son évolution remise en question s’il reste trop longtemps dans la même famille d’achat. Il est important de diversifier son parcours professionnel et de monter progressivement en responsabilité ». Pour gravir les échelons, il semble donc primordial d’éviter de s’installer dans une routine professionnelle et d’accepter régulièrement de nouveaux défis. « Lorsque l’on a envie d’évoluer sur un poste, il est essentiel de changer régulièrement d’environnement et d’accepter de nouveaux challenges », confirme Jean-Marc Espagne.
Portraits | |
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Du commerce aux Achats | |
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Un parcours exemplaire dans les Achats | |
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Des expériences managériales multiples | |
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6 atouts pour devenir directeur achats | |
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